mercredi 20 octobre 2010

Clémanon, le retour


Manon a un lit de grande fille.
Faut dire qu'elle commençait à planifier des tentatives d'évasion de « mo lit » en escaladant les parois, le coude et le menton enclenchés solidement sur les bords du lit, la jambe jetée par dessus et «Han ! Han !» elle queunait (c'est bien charentais ça) en tentant de faire basculer son popotin de l'autre côté.
On avait le choix entre le durcissement de la loi carcérale (installation de fil de fer barbelés sur le dessus du lit-parapluie) ou le changement radical de mode d'incarcération.

La chambre des enfants s'est donc transformée en atelier menuiserie.
J'ai positionné la structure du grand lit et acheté les barrières.

Les enfants ont consciencieusement déchiqueté en micro-morceaux tous les pains de polystyrène qui empaquetaient les barrières du lit et creusé des milliards de trous dans les cartons d'emballage.
Mamie a fourni housse de couette fait-maison et vide-poche assortis.
Les chats ont fui.
Chacun son job.

Une fois l'oeuvre familiale achevée, Manon a pris possession de « mo lit, mo dodo, é à moi ça ».

Et le soir, la règle fut établie : une fois couchée, on NE SORT PAS de son lit (règle établie UNIQUEMENT pour nous donner la bonne conscience des parents qui établissent des règles, même si on sait qu'elle sera bafouée à la 1ère demi-seconde où on aura quitté la pièce)
Manon ravie de sa nouvelle liberté a navigué dans la chambre sous le regard réprobateur de Clément :
« Hé ! Manon elle est sortie de son lit, moi je suis dans mon lit moi, Manon elle est sortie de son lit, c'est une bêtise ça, hein Maman, hein c'est une GROSSE bêtise ? »

La nouvelle Magellan a achevé son expédition écrasée de fatigue, allongée dans la largeur, petite puce encastrée comme un parfait Tétris entre les barrières, tout au fond de son immense lit, comme dit Grand-Mère « on aurait pu en aligner 15 comme elle en rang d'oignon »

Je crois surtout que Manon est ravie de son grand lit, parce qu'elle peut y accumuler ENCORE PLUS de bordel.

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Ce matin, Manon s'est levée en affirmant :
« Audoudui, y a grrrrrève. »
Voilà qui exprime clairement et simplement la situation sociale environnante.

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Situation sociale qui plait immensément à Clément, privé de cantine pour son plus grand bonheur.

Occasion rêvée de partager ses pâtes au jambon en tendres têtes-à-têtes avec sa chère Lorette à la maison le midi (« Lorette, je l'aime bien très beaucoup beaucoup fort »)
Et qui lui donne l'occasion de nous demander 40 fois par jour :
« Et demain, y avait grève ? Et demain, c'était après cette sieste-là ? Et hier soir, z'irai pas à la cantine, y aura grève ? »

(Oui, Clément est dans la confusion la plus totale en ce qui concerne les termes « aujourd'hui », « hier » et « demain ».
Par contre, le terme « grève », il maîtrise.)

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Petit tour avec Manon chez Cla*re's accessories, il me fallait un truc pour faire les chignons.

Mamma mia, qu'est-ce que j'avais pas fait là...

Dès le premier pas dans la boutique, la petite fille qui, deux secondes auparavant, comatait avachie dans sa poussette en répétant "Moi dodo, moi tiguée moi" a muté en une fashion victim complètement accro qui s'est jetée sur les chaussettes de portable Hello Kitty, les yeux exorbités, l'écume aux lèvres.

Les nanas qui prennent d'assaut les Galeries Lafayette à 8 heures du mat le premier jour des soldes.
Voilà l'image qui m'est venue à l'esprit.

Vite vite vite j'ai choisi mon bidule à cheveux.
J'ai rangé discrètement toutes les chaussettes de portable Hello Kitty que Manon envoyait valser avec frénésie, et j'ai tenté de calmer la Bête en lui promettant un petit bidule à elle aussi.
Après tout, Maman s'achète un truc, pourquoi pas Manon ?

Dans le pan de mur entièrement consacré à Hello Kitty (un pan de mur ENTIER vous imaginez ? comment contenir une Manon fanatique devant un pan de mur ENTIER ?) on a fini par dénicher avec l'aide d'une vendeuse un baume à lèvres à l'effigie de l'Idole.

Manon s'est suspendue à l'emballage comme si sa survie en dépendait "é à moi ça".
Il a fallu toute la force de persuasion de la vendeuse pour lui soustraire son précieux trésor, juste le temps de le passer sous la douche à infrarouge de la caisse.

Aussitôt dehors, j'ai déchiqueté l'emballage en 4ème vitesse pour que Manon cesse de trépigner et retrouve la sérénité du drogué qui a enfin sa dose, en se tartinant les lèvres (lèvres, joues, yeux, cheveux...) de son précieux tube.

Depuis, elle dort avec.