Manon a un lit de grande fille.
Faut dire qu'elle commençait à
planifier des tentatives d'évasion de « mo lit » en
escaladant les parois, le coude et le menton enclenchés solidement
sur les bords du lit, la jambe jetée par dessus et «Han !
Han !» elle queunait (c'est bien charentais ça) en tentant de
faire basculer son popotin de l'autre côté.
On avait le choix entre le durcissement
de la loi carcérale (installation de fil de fer barbelés sur le
dessus du lit-parapluie) ou le changement radical de mode
d'incarcération.
La chambre des enfants s'est donc
transformée en atelier menuiserie.
J'ai positionné la structure du grand
lit et acheté les barrières.
Les enfants ont consciencieusement
déchiqueté en micro-morceaux tous les pains de polystyrène qui
empaquetaient les barrières du lit et creusé des milliards de trous
dans les cartons d'emballage.
Mamie a fourni housse de couette
fait-maison et vide-poche assortis.
Les chats ont fui.
Chacun son job.
Une fois l'oeuvre familiale achevée,
Manon a pris possession de « mo lit, mo dodo, é à moi ça ».
Et le soir, la règle fut établie :
une fois couchée, on NE SORT PAS de son lit (règle établie
UNIQUEMENT pour nous donner la bonne conscience des parents qui
établissent des règles, même si on sait qu'elle sera bafouée à
la 1ère demi-seconde où on aura quitté la pièce)
Manon ravie de sa nouvelle liberté a
navigué dans la chambre sous le regard réprobateur de Clément :
« Hé ! Manon elle est
sortie de son lit, moi je suis dans mon lit moi, Manon elle est
sortie de son lit, c'est une bêtise ça, hein Maman, hein c'est une
GROSSE bêtise ? »
La nouvelle Magellan a achevé son
expédition écrasée de fatigue, allongée dans la largeur, petite
puce encastrée comme un parfait Tétris entre les barrières, tout
au fond de son immense lit, comme dit Grand-Mère « on aurait
pu en aligner 15 comme elle en rang d'oignon »
Je crois surtout que Manon est ravie de
son grand lit, parce qu'elle peut y accumuler ENCORE PLUS de bordel.
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Ce matin, Manon s'est levée en
affirmant :
« Audoudui, y a grrrrrève. »
Voilà qui exprime clairement et
simplement la situation sociale environnante.
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Situation sociale qui plait immensément
à Clément, privé de cantine pour son plus grand bonheur.
Occasion rêvée de partager ses pâtes
au jambon en tendres têtes-à-têtes avec sa chère Lorette à la
maison le midi (« Lorette, je l'aime bien très beaucoup
beaucoup fort »)
Et qui lui donne l'occasion de nous
demander 40 fois par jour :
« Et demain, y avait grève ?
Et demain, c'était après cette sieste-là ? Et hier soir,
z'irai pas à la cantine, y aura grève ? »
(Oui, Clément est dans la confusion la
plus totale en ce qui concerne les termes « aujourd'hui »,
« hier » et « demain ».
Par contre, le terme « grève »,
il maîtrise.)
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