Les coles

Premier jour de la semaine, Clément compte sur ses doigts le nombre de dodos qui le séparent de la quille.
 
- Auzourd'hui y a des coles. Demain y a des coles.
Et après c'est les vacances ?
- Ah ben non, après c'est mercredi, et ensuite on retourne à l'école.
- Après mercredi, y a deux zours des coles.
- Oui c'est ça.
- Et après y a grève.
- Ah bon tu crois ?
- Voui et après y a des coles, et après c'est le week-end, et après y a grève, et après y a des coles etc etc etc...

Si tu le dis.

(moi je soupçonne Zean-René d'avoir entouré en rouze les zours de grève sur le calendrier de la classe)






(et peut-être même d'avoir rajouté des gomettes FSU pour décorer)

Qu'est-ce que ce sera dans 10 ans ?

Manon est une vraie nana.


C'est elle qui choisit mes chaussures le matin.
(pas folle, la guêpe... le seul domaine dans lequel je claque du pognon)


"Tia !"
Elle me tend une Louboutin rose.
"Ooooh non Manon pas ce matin, pas les roses, j'ai pas envie."
Elle me tend une Blahnik noire.
"Tia !"
[...]
Phase d'observation.
[...]
 
"Nan !"
Elle secoue la tête en supervisant les deux chaussures dépareillées.
"Ei aya phayé zanouguluk."
[translation pleaaaase ?]
Elle m'agrippe le pied et récupère la chaussure noire.
Elle la balance (ouaaaïe tu sais combien ça coûte des bibelots pareils ?)
 
"Pffff... manigla ayet Mama. Pfff soussu nan pas soussu."
Elle soupire en secouant son index levé.
"Ah."
Elle vient de trouver la 2ème soussu rose.
"Tia !"
 
Et allez. Va pour les soussus roses.
 
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L'autre matin, je surfais sur eBay USA à la recherche d'une improbable affaire, vu qu'il faut encore en profiter un max tant que le dollar est faible et surtout que ça risque de pas durer à cause de la Grèce et du volcan islandais et de la marée noire en Louisiane et de la santé de Johnny, mais tout ceci ne sont que des prétextes à chiner dans les dressings surpeuplés de riches new-yorkaises, vous me direz, et vous aurez raison.


Voilà t-y pas que je tombe sur une trop trop trop trop belle paire de chaussures qui tuent sa mère en slip et que je m'extasie.


Manon se radine, bidon en avant (et couche en arrière, pour conserver un centre de gravité honorable)


"Fais ouââââââr ?"
"Tu veux voir les futures chaussures de Maman, Manon ?"
Hôchement de tête, oui elle veut voir.
Je clique sur agrandissement.


"Oooooooooooh iiiiih aya dîîîî gladîîîîîîî !!! Ooooôôôh !!"
Elle a le nez écrasé sur l'écran, la main agrippée à l'ordinateur, elle pointe de son autre doigt (qu'elle vient de s'extraire de la bouche) le talon, la semelle, la bride de la chaussure maintenant décorée de traces baveuses, et elle glousse suraîgu.


OK OK je cède, voilà mon prochain cadeau d'anniversaire.
C'est pas moi, c'est Manon qui a choisi.
 
 
                            (ouh la vilaine excuse à deux balles)
 
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Bon et puis elle adore fouiller dans mes affaires.


Elle m'a déjà piqué, dans le désordre,
un rouge à lèvre (j'ai d'ailleurs une photo que je lui ressortirai le jour de son mariage, oui vous aurez l'exclu, allez oui si vous êtes bien sages)
ma montre,
mes lunettes de soleil,
un protège-slip (neuf)
[*mode secret honteux on*]
des tampons hygiéniques, emballés comme des bonbons, purée qu'est-ce qu'elle a pu jouer avec !
[*mode secret honteux off*]
mes chaussures (évidemment)
mon boîtier de fards à paupière (je serais prête à jurer que ma propre mère ne sait pas à quoi servent ces bulles de couleur. Manon, elle, se les est appliquées direct... sur les yeux)
ma nuisette,
et récemment, pas plus tard que tout à l'heure...
 
... "Manon tu viens, on va faire dodo."
"No. Mano' pas dodo."
"Ah si, Manon, c'est l'heure de faire dodo, Doudou est fatigué."
"Dodo. Doudou é tigué, dodo Doudou."
[yess je viens de trouver l'argument qui tue, elle me suit, yoôô trop forte Maman]


Elle a récupéré un petit sac en osier et y a fourré son matos, deux doudous, une petite cuillère, une coquillette desséchée et une gourde de compote vide.
"Manon, la chambre c'est par là !"
Elle a disparu dans la salle de bain et je l'entends trifouiller dans mes affaires.
"Manon ?"


La revoilà.
Elle traîne toujours son sac en osier, elle attaque la première marche de l'escalier qui monte à sa chambre.
Dans le sac en osier, maintenant, il y a...
 
... ma pilule contraceptive.
 
 
 
(je rappelle qu'elle vient d'avoir deux ans)

Et Dieu créa la Femme

Clément fait du vélo.


Ou plutôt.
Clément, les pieds posés sur les pédales, crie "Plus vite ! Plus vite !" pendant que, le dos cassé en deux, je le pousse par l'arrière de la selle.


Nous croisons un groupe de jeunes gens.
"Plus vite ! Plus [...] ..."
Clément s'interrompt.
Je le lâche.


Parmi le groupe de jeunes gens se trouve une jeune femme, qui ralentit à notre hauteur, absorbée par une conversation à son téléphone portable.


Le vélo ralentit, la trajectoire du guidon dévie.
Le vélo s'immobilise.


Elle est plutôt grande.
Elle est plutôt mince.
Elle est plutôt bien fringuée...


Ouais bon allez bon...
Elle est plutôt carrément hyper bien roulée, ouais bon.


Clément la contemple, bouche ouverte, dans un air de quiète béatitude et d'extase mystique.


Une autre fille du groupe a éclaté de rire.
"Ihihihi et ben... Il regarde déjà les filles à son âge !"






Jalouuuse.